Introduction
  Les Ponts
  Les Ponts Habités
  Projets du 3è Millénaire
  Le pont habité vers un élément de projet urbain ?
  Conclusion
  Bibliographie
 
  Vos commentaires

 
Les Ponts Habités
 
1.5 ] Florence


Le Ponte Vecchio


Le Ponte Vecchio (“Vieux Pont“) est le troisième pont traversant le fleuve Arno. À la fin de sa construction, il était considéré comme le “nouveau“ vieux pont. Son prédécesseur le Ponte Vecchio —- appelé ainsi depuis 1218 afin de le distinguer du Pont de la Carraia en aval et du Ponte Rubaconte en amont — avait déjà remplacé l’original en bois, écroulé en 1177 à cause des inondations, par des habitations en bois supportées par 5 arches de pierres. Après la construction des murs de la ville en 1172, destinés à protéger les banques éloignées des rives de l’Arno, le Ponte Vecchio remplit un rôle central dans le paysage urbain de Florence. Il logea une chapelle, des habitations et les Tours de la famille Mannelli (anciens gardes du pont), un marché, et au début du XIVè siècle il accueillait déjà 43 magasins. Même si le Ponte Vecchio supportait de nombreuses constructions et fonctions, ce n’était pas exceptionnel à cette époque, le pont voisin, alle Grazie, par exemple, qui survécu jusqu’au XXè siècle, arborait une allée occupée par des maisons, des oratoires et une petite église.
Le Ponte Vecchio de 1345 appartenait à la Commune. L’organisation, en quatre groupes, comprenait un travée centrale libre, et les magasins, près de 50, étaient originellement occupés par différents commerçants, comme des bouchers, des épiciers et des forgerons.
En 1953, le Grand Duc Ferdinand I de’Medici décréta que tous ces commerces devaient être remplacé par des magasins de luxes, des bijoutiers, orfèvres ou bureaux de change. Ce dernier décret fut le résultat direct du programme lancé par le père de Ferdinand, Cosimo I de’Medici, qui proposait de redessiné la zone autour du Palazzo dei Signori et sa liaison vers le nouveau Palazzo Pitti de l’autre côté de l’Arno. En 1565, sous la direction de Giorgio Vasari, un nouveau “corridor“ fut construit, une sorte de galerie couverte de tuiles passant par l’étage supérieur du Ponte Vecchio et servant de passage privé pour le Prince et sa Cour entre le Palais Pitti et les Offices, siège du gouvernement (Pallazio Vecchio). Depuis 1593, les commerces continuèrent de proposer des produits de luxe et furent re-décorés, des extensions s’ajoutèrent au-dessus du fleuve. Au milieu du XIXème siècle, la restauration du Ponte Vecchio avec des structures métalliques et des verrières fut une partie d’un plan de développement pour la ville de Florence. Dessiné par Martelli et Corazzi, il ne fut jamais exécuté.

1.6 ] Venise


Le Ponte di Rialto


Le pont Rialto, construit entre 1588 et 1591, est très certainement le plus célèbre des ponts habités. Son histoire est relativement proche de celle de son prédécesseur qui occupait le même site. À l’époque de sa construction, la ferveur parmi les architectes et le public était plus stimulée par le fait que le pont ne possédait pas de piliers dans le canal, que par son statut de pont habité. Les deux îles de Rivoalto et Luprio étaient audacieusement reliées d’une simple portée au-dessus du Grand Canal.
Un pont en bois traversait le Grand Canal depuis 1250 à l’endroit où repose le Rialto. Il possédait un pont-levis au centre permettant aux bateaux de passer, et si nécessaire, de séparer les deux îles. Situé su une position vitale de lien unique vers l’est de l’île et vers le marché toujours plus important, le trafic sur le pont augmenta rapidement, attirant sur son sillage la présence de squatters et de marchands. Dans l’optique de ce développement, l’administration en charge du pont approuva la construction de deux rangées de boutiques sur le pont dans la première moitié du XVème siècle. La location des magasins contribuant à la maintenance du pont.
La vulnérabilité du pont, spécialement vis-à-vis du feu, fit naître la proposition en 1503 du remplacement du pont en bois par une structure en pierre. Les débats continuèrent pendant le XVIè siècle et des projets furent proposés par des architectes expérimentés comme Fra Giocondo (qui participa notamment à la conception du Pont Notre-Dame à Paris). Un processus de consultations fut mis en œuvre par le Sénat en 1511, laissant nombres de propositions par des architectes comme Sansovino, Vignola, Gugliemo di Grande, Marasatoni et particulièrement Palladio qui produit une grande variété de dessins pour le projet, et ceci depuis les années 1550. Aucune de ces propositions ne fut retenue, à cause, entre autres, de l’utilisation de plusieurs arches et d’une apparence classique plus appropriée à une ville comme Rome plutôt que Venise. Dans les premiers dessins de Palladio, le pont était toujours soutenu par cinq arches et supportait un dôme central, mais il ne prêtait pas vraiment attention aux deux rangées de magasins. Mais les projets de Palladio inspirèrent les architectes et les peintres de l’époque. Both Canaletto et Guardi ont ainsi peint des interprétations des projets de Palladio et quelques architectes dessinèrent des ponts en style “Palladien“.
Les débats sur le choix de la forme du pont continuèrent jusqu’au 7 janvier 1588, le Sénat adopta alors l’option d’une arche unique. Les sénateurs confièrent finalement la responsabilité de la construction du nouveau pont à Antonio dal Ponte. N’exprimant aucune préférence pour la conception, les sénateurs exprimèrent tout de même quelques directives : la direction de l’axe du pont, une voie centrale entre les deux rangées de boutiques, et deux voies sur les côtés, protégés par des balustrades, et laissant ainsi la vue libre sur le Grand Canal.
Un climat d’inquiétude régnait sur la fiabilité technique de l’audacieuse arche unique, mais le pont achevé en 1591 acquit rapidement un renom international qui n’est toujours pas perdu.
Aujourd’hui le marché du Rialto s’étend sur une presqu’île qui suit le coude supérieur du grand Canal et dispose ainsi de longues rives d’accès où les marchandises étaient, autrefois, soigneusement réparties selon leurs natures, leurs encombrements, leurs valeurs… Situé exactement au centre de la Venise historique, le Ponte di Rialto se trouve à égale distance des deux extrémités du Grand Canal et il est, jusqu’au XIXè siècle, le seul joignant les deux rives du Grand Canal.


Le pont Palladien
L’Angleterre possède trois exemples majeurs de “Pont Palladien“ : un à Wilton, près de Salisbury, un autre à Prior Park, près de Bath, et un dernier à Stowe, dans le Buckinghamshire. Les dessins de ces ponts s’inspirent directement de ceux de Palladio publiés dans I Quattro Libri. Ces ponts, en dépit de leurs structures, présentent principalement une fonction décorative inscrite dans le paysage des parcs. Leur apparition reflète le style architectural britannique dominant le XVIIIè siècle, appelé néo-palladien. D’autres exemples auraient existé dans d’autres régions d’Angleterre, à Dogmersfield Park, Hampshire, et à South Lodge, Middlesex.

2] La disparition des ponts habités


2.1 ] Principaux syndromes de la déchéance des ponts habités.

2.1.A ] Un retour forcé à sa fonction première : le franchissement.


Le Siècle des lumières méprisait le Moyen Age, qu’il assimilait à tort à une époque d’obscurantisme ; les opportunités de faire disparaître ses témoignages étaient souvent bien accueillies par les élites. Les ponts habités médiévaux, construits sur des gabarits de passage assez étroits, constituaient désormais au centre des villes des goulots d’étranglement d’un trafic toujours plus important. La nécessité de dégager des voies plus généreuses fut à l’origine de la démolition des ponts habités.
On élimine donc radicalement les ponts conflictuels, on efface leur allure moyenâgeuse et on leur affecte, on leur conserve leur fonction primordiale : celle de passage. Ainsi pourra-t-on les orner de toutes sortes d’artifices, de modénatures, et les présenter ainsi comme de simples objets de décoration, inertes.
Il est permis de penser que sous le couvert de l’assainissement et de la rénovation, on a tenu à éliminer du tissu urbain, les “gêneurs“. Il est évident que chaque pont reconstruit représente un élément de vecteur politique d’une extrême importance pour le pouvoir, car le pont n’est plus un élément actif de la vie sociale mais devient un élément passif subissant, admettant tous les changements avec indifférence ; le passage de la charrette à la voiture, au tramway, au métro… en témoigne.
Les anciens ponts reconstruits, les ponts que l’on construit sont “décorés“ et prennent part à la vie de la ville par leur seule fonction de passage. Il y a là non seulement un appauvrissement indéniable de la vie urbaine mais aussi une attitude négative dans le contexte urbain.
Les ponts habités ont participé activement au développement de la ville, que ce soit économiquement par le commerce, mais aussi socialement en créant un lieu privilégié pour les échanges et les rencontres. La destruction des ponts habités est un recul certain dans le temps et dans l’espace pour la vie urbaine.
Pour ne rien arranger, c’est au XVIIIè siècle que s’institutionnalise la formation séparée des ingénieurs et des architectes. Cette ségrégation professionnelle fut dommageable aux ponts habités, car ils étaient précisément la résultante d’une synergie entre ces deux savoir-faire complémentaires. À part quelques exceptions — dont celle, notoire, de Gustave Eiffel au XIXè siècle -—, les “ingénieurs des ponts“ n’ont jamais guère apprécier l’idée d’“encombrer“ leurs ouvrages de constructions jugées par eux “parasitaires“.
Cette période de démolition des ponts habités concorde également avec une attitude de renouveau des édifices. La ville se fonctionnalise, se coupe et se découpe, se densifie, d’autres valeurs formelles ont cours : les grandes perspectives et les compositions axées, les voies triomphales, les ponts deviennent des outils sans autre utilité que le passage. Alors il faut pour être dans la note, pour respecter la mode, raser, détruire, désinfecter.


2.1.B ] Une ville plus simple, vers un nouveau paysage urbain.


Les urbanistes de l’époque voulaient aussi “aérer“ la ville, et dégager les vues sur le fleuve. La naissance du culte de l’hygiène renforçait cette demande. Il ne se trouva personne, à l’époque, pour tenter de concilier toutes ces exigences avec de nouveaux modèles de ponts habités, modernisés.
“C’est au XVIIIè siècle qu’apparaissent les premiers ferments de l’idéologie moderniste fondée sur une rationalité parfois excessive, qui tend à rejeter les notions de complexité programmatique et préfère ségréguer les fonctions afin de les traiter isolément, d’une façon prétendue optimale. La genèse des ponts habités ayant souvent été assurée par une approche pragmatique, on comprend dès lors que l’avenir de cette démarche ait été “bloqué“ au XVIIIè siècle, qui proclamait le triomphe de la Raison et de la rationalité“.
L’époque du “triomphalisme urbain“ qui caractérise donc ce début de siècle, fait procéder, du point de vue de l’ordre urbain à de grandes compositions, à des alignements, à des redressements, à des mises au gabarit, à des élargissements, à des percements…
On assainit la ville sans pour autant essayer de comprendre (pour les maintenir sous une autre forme) ces structures.
Les ponts habités, qui ne s’insèrent évidemment pas dans ce nouveau paysage urbain, en font les frais.


2.1.C ] Le pont Triomphal


L’apparition des ponts “triomphaux“ coïncide avec le déclin des ponts habités en Europe. Cette période dura de la fin du XVIIIè siècle au début du XXè, ce mouvement fut principalement académique et visionnaire. Son influence provient essentiellement dans la reconstruction d’une architecture ancienne, comme l’exprime J.B. Fischer von Elarch dans “histoire de l’architecture“ publié en 1721.
“Les architectes du XVIIIè siècle — qu’il s’agisse de Soane ou Sandby en Angleterre, de Durand, Dutert ou Debret en France — proposent majoritairement, à cette époque, des “ponts triomphaux“ qui constituent des ersatz de ponts habités et témoignent, malgré leurs qualités architecturales ou leur somptuosité ornementale, d’une réelle déchéance. En effet, les programmes de leurs ponts ne comportent plus aucune composante de commerce, d’habitat ou d’autres fonctions utilitaires : ces ferments de la vitalité économique et sociale sont remplacés par une débauche ornementale de portiques et de colonnades qui révèlent une décadence très formaliste vis-à-vis du modèle initial“.
Le thème du pont triomphal fut employé la première fois lors d’un exercice d’architecture proposé aux étudiants de l’Académie Royale d’Architecture à Paris, en 1774. Caractérisées par la présence d’arches et de colonnades triomphales en abondance, les compositions architecturales sont grandioses, mais n’ont que très rarement une relation à la réalité contemporaine des ponts habités. En effet, pendant le XVIIIè siècle avec le développement de la profession d’ingénieur — à qui l’on confia de plus en plus la conception de nouveaux ponts, plus larges et dépouillés de toutes superstructures architecturales superflues — la conception des ponts triomphaux rapprocha la profession de l’architecte à celle de l’artiste.
La fascination pour les ponts triomphaux se propagea partout en Europe, inspira des compositions qui furent soit réalisées, comme dans le cas de Königsbrücke (1762), à Berlin, ou mégalomaniaques, comme pour la proposition d’Otto Wagner, un pont comme passerelle vers son panthéon des arts en 1880.

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arthur gential diplome d'architetcure, un pont habité à new york