Introduction
  Les Ponts
  Les Ponts Habités
  Projets du 3è Millénaire
  Le pont habité vers un élément de projet urbain ?
  Conclusion
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Les Ponts
 

Un “pont habité“, qu’est-ce que c’est ? Le définir pourrait se résumer simplement à l’association de deux mots du langage courant : pont et habité.
D’après le Petit Robert :
1. Pont n. m. : Construction, ouvrage reliant deux points séparés par une dépression ou par un obstacle.
2. Habité, adj. du verbe habiter : Avoir sa demeure.
Même si ces définitions nous permettent de comprendre aisément le sujet de ce mémoire : le “ponts habité“ est une construction qui relie deux points séparés par un obstacle et où l’on a sa demeure… élémentaire. Mais la notion du pont habité n’est peut-être pas aussi primaire que l’on pourrait l’imaginer.
En effet, Jean Dethier, organisateur de l’exposition “les ponts habités d’hier et d’aujourd’hui“, explique dans une interview : “il n’existe aucune appellation précise pour désigner ces ponts, ni en anglais, ni en français, ni en italien. Dans ces trois langues, faute de mieux, on parle de inhabited bridges, de ponts habités et de ponti abiati. Seule la langue allemande dispose d’un mot approprié, qui englobe à priori toutes les variantes typologiques des ponts qui nous concernent ici ; überbautenbrücken désigne en effet l’ensemble des ponts sur lesquels on édifie des bâtiments.“
De ce mot allemand, qui pour Jean Dethier semble être le plus approprié, nous permet de déduire que le “pont habité“ est le fruit de l’association de deux éléments constructifs : le pont et le bâtiment (ici le “bâtiment“ ne limite pas le pont habité à celui de pont “logement“).
Chacun de ces éléments peut exister isolément, mais les deux “compilés“ produisent un nouvel objet architectural que nous appellerons : pont habité.
Mais le pont habité est avant tout un pont, il appartient à la famille des ponts, et c’est incontestablement celui-ci qui donna naissance au principe même du pont habité. Comprendre par quel processus le pont habité à fait son apparition dans l’architecture passe tout d’abord par une présentation de sa “famille“ : les ponts.


1] Quel homme oserait prétendre n’avoir ô grand jamais franchi un pont ?


Sans même nous en apercevoir, nous utilisons chaque jour bien plus de ponts, du plus discret au plus imposant, que nous ne serions portés à le croire. Car les ponts font aujourd’hui partis de notre quotidien. Leur multiplication a entraîné leur banalisation. Et pourtant, imaginons un seul instant notre vie sans ces lieux de passage aux multiples fonctions. Ouvrage toujours utile, lieu de passage privilégié, voie de communication, œuvre d’art, vestige du passé, témoin d’une époque, symbole d’une population, d’une ville ou d’une région, pilier de l’économie, concrétisation d’un défi…
“Ils sont nés de la nécessité de franchir, du besoin de relier, de l’envie de surpasser. Parmi tous les ouvrages que l’homme a bâti de sa main, les ponts ont marqué les esprits.“
L’homme a été fasciné par les ponts et leur pouvoir de rapprocher ce qui jusque-là avait été séparé. Ils peuvent évoquer l’exaltation, le triomphe, la peur, et parfois les trois en même temps. Ils sont présents dans les mythes, les légendes et les métaphores de nombreuses cultures, chaque siècle ajoutant une strate nouvelle à ce puissant symbolisme.
“La poésie des ponts se révèle à ceux qui savent les regarder. Simple franchissement ou complexe labyrinthe d’acier, chacune de ces structures a beaucoup à nous dire sur l’aventure qui l’a vue naître, les efforts, l’intelligence et les tours de force qui l’ont fait ce qu’elle est.“


1.1 ] Quelques mots d’histoire


L'origine des premiers ponts reste pour le moins confuse. Etait-ce un simple tronc d'arbre jeté, voire projeté par le vent ou la foudre, par-dessus un ruisseau ? Ou une rangée de pierres juxtaposées ? Vraisemblablement, l'homme a dans un premier temps élargi son territoire et les possibilités de se nourrir. On retrouve des traces évo-quant des ponts, faits de bois, dans l'Antiquité, en Égypte, en Mésopotamie et en Perse. Il semblerait que les Grecs, les tous premiers, aient fait usage de la pierre pour les construire.
Une chose est certaine, l’histoire des ponts est étroitement liée à la barrière naturelle de l’eau et aux cités qui se sont développées le long des grandes voies fluviales du monde. Peut-on imaginer Paris, Londres, New York ou Saint-Pétersbourg sans leurs ponts ? La variété de leurs dimensions et de leurs formes reflète autant le développement des connaissances techniques de l’humanité et l’histoire des matériaux de construction que l’influence des conquêtes militaires, des croyances religieuses et de l’économie.
Les premiers ponts, construits avec de longues poutres, des pierres et des cordes, ont évolué, pour devenir des structures de plus en plus complexes, élaborées par des constructeurs intuitifs, souvent anonymes. La domination romaine sur une grande partie du Monde Ancien est due en partie à son génie si particulier de l’ingénierie, qu’illustrent les ponts en arche de maçonnerie, dont beaucoup subsistent encore. Moins connus en Occident, les ouvrages chinois sont remarquablement raffinés et novateurs. Les méthodes de construction utilisées pour le pont d’Anji, à Zhaoxian, anticipent certaines réalisations européennes de plusieurs centaines d’années. Dans l’univers médiéval, la construction des ponts releva un temps des ordres religieux, et fut financée par les fidèles.
La Renaissance a vu le développement des ponts habités – dont le Ponte Vecchio à Florence et le Rialto de Venise sont de brillants exemples – et du pont palladien, qui allait exercer une influence particulièrement forte jusqu’au XVIIIe siècle, lorsque ses principes furent repris par les créateurs des grands parcs anglais. Le pont couvert, le plus romantique de tous les ponts, se trouve partout dans le monde, mais s’est particulièrement répandu dans l’Amérique du XIXe siècle, en pleine expansion, là où le bois était abondant et le temps non compté.
L’introduction de la locomotive à vapeur en 1830 a immédiatement exercé un impact considérable sur la conception des ponts, les matériaux de construction et une discipline alors naissante : l’ingénierie civile. La pierre et le bois laissèrent rapidement place au fer. A la fin du siècle, un nouveau matériau plus performant encore, et plus léger, l’acier, allait permettre les réalisations géniales de James Eads, John Roebling, Benjamin Baker et Gustave Eiffel.
“Marcel Duchamp déclara un jour que les seules œuvres d’art de l’Amérique étaient sa plomberie et ses ponts. En fait, le monopole américain de près d’un siècle sur les ponts géants suspendus a commencé en 1883 avec le pont de Brooklyn, et s’est achevé en 1964 avec l’ouverture du Verrazano Narrows Bridge.“
Les deux décennies suivantes ont vu le renouveau et l’explosion de la construction de ponts de grande longueur en Europe, puis en Asie, à l’approche du troisième millénaire.
Des ponts qui battront tous les records sont en cours de construction au Japon, en chine et au Danemark.


1.2 ] Les ponts, vitrines de matériaux


La pierre essentiellement, et dans une moindre mesure, le bois, ont été les deux principaux matériaux entrant dans la construction des ponts jusqu'à l'avènement de la fonte. Avec la révolution industrielle initiée au dix-huitième siècle en Grande-Bretagne, les techniques de construction se sont progressivement transformées. L'Iron Bridge, premier du genre, en est le plus bel exemple. À la fonte succéda le fer. Et le développement rapide des chemins de fer entraîna alors une demande croissante de ponts construits dans les meilleurs délais. Le rail est à la base de milliers de ponts utilisant ce matériau nouveau et les techniques associées.
Le béton et ses variantes (armé, précontraint, léger), substitut de la pierre, vont faire naître des ouvrages plus variés.


Ainsi donc, le bois et la pierre, la brique, la chaux, le ciment et le mortier, la fonte, le fer, l'acier, le béton ont tour à tour servi de matières premières. Avant chaque grande étape technique, l'homme a découvert puis maîtrisé une matière. Ainsi, les ponts métalliques sont apparus dans la foulée du développement de la métallurgie. L'histoire des ponts est à ce point liée à celle des matériaux qu'il suffit de suivre les étapes de la domination de l'homme sur les matières pour en retracer les évolutions successives.
Les ingénieurs prédisent l’arrivée d’un nouveau type de pont hybride, réunissant les qualités des ponts suspendus et à haubans, qui devrait révolutionner les franchissement de grande longueur, ainsi que des matériaux composites à haute résistance et très légers, qui commencent d’ailleurs à être utilisés dans les ouvrages les plus novateurs.


1.3 ] Le symbole que représente les ponts.


De tous temps, la plupart des ponts ont été appréciés et admirés pour constituer une synthèse remarquable entre un savoir-faire technique et des critères esthétiques. Leur forme s'est adaptée à leur fonction. Des premiers ponts de bois aux plus longs ponts suspendus, en passant par les ponts en arc spécialités des Romains, ces "liens" ont depuis toujours rempli une fonction économique et sociale de première importance : permettre la circulation des hommes et des marchandises en tirant un trait sur les obstacles et en effaçant les frontières naturelles.
Certains ponts privilégient l'esthétique, d'autres la technique. D'autres encore marient l'une et l'autre. Quoiqu'il en soit, chacun de ces monuments est le témoin de l'époque qui les a vus s'ériger.
“Il a en lui une portée symbolique, une dimension particulière, souvent à la (dé)mesure du génie de l'être humain. Les ponts, à leur façon, retracent les réussites architecturales des hommes qu'ils contribuent à rapprocher les uns des autres.“
Les ponts, fascinants lieux de passage, sont les symboles de l'obstacle surmonté, de la nature dominée par l'homme et des techniques qu'il a mises au point. Les ponts concrétisent tour à tour la puissance ou la légèreté, la force ou la finesse, le gigantisme ou l'élégance, la hardiesse ou la beauté simple sous bien des formes. Les projets les plus fous pour leur époque se sont le plus souvent réalisés quelques décennies plus tard. Ce qui semble aujourd'hui encore infranchissable le sera-t-il encore demain ? Rien n'est moins sûr...
Construits pour durer, nombre de ponts ont traversé les siècles sans fléchir. Les guerres ont eu raison de bien d'autres, remplacés par la suite ou, dans de rares cas, reconstruits à l'identique pour faire perdurer la fierté de tous ceux qui ont participé à leur construction, ou parce qu'ils étaient, et doivent rester, le symbole d'une ville, d'une région, voire d'un pays.
Surprenant mélange d'art et de technologie, respectueux par nature des lois physiques, chaque pont est unique et différent, reflet de l'architecture du moment et image de la maîtrise des techniques. Il est, à l'époque de sa construc-tion, marqué par une avancée dans les méthodes de calcul et les procédés d'exécution, souvent à l'avant-garde du progrès technique dans le domaine des travaux publics. Et de nombreux ponts revêtent un caractère d'exploit ren-forcé par une condition d'objet unique. Chaque pont marque une victoire sur les éléments, terre, ciel et eau.
Parcourir les ponts d'Europe, c'est aussi voyager au travers de l'histoire de ce continent. Passer par l'aqueduc romain du Pont du Gard, le Ponte Vecchio à Florence, l'Iron Bridge en Angleterre, le Pont Vasco de Gama au Portugal... c'est prendre son élan dans l'époque romaine, traverser la Renaissance, franchir la révolution industrielle pour rejoindre notre actualité.
“De toutes les choses que l'homme a fabriquées, les ponts et les barrages sont les plus structurés, les plus évidents et les plus imposants. Comme jonction à un point de rupture, Telle une voie de continuité dans la discontinuité, le pont est plein de significations implicites. Le pont évite toutes ruptures, toute séparation, tout isolement, l'irréparable, les pertes, la ségrégation, l'abandon. Construire des ponts a autant d'importance dans le domaine psychologique que dans le monde réel. Le pont est un symbole de confiance et de sécurité. C'est en même temps un moyen de communication et un élément d'union“.
Paolo Soleri.


1.3.A ] Mythes et légendes


Le symbolisme du passage possède généralement un caractère fréquemment périlleux, qui est celui de tout voyage initiatique.
Des légendes d’Europe orientales font états de pont de métal ; Lancelot franchit un pont “sabre“ ; le pont Chinvat, le diviseur, de tradition iranienne, est un passage difficile, large pour les justes, étroit comme une lame de rasoir pour les impies.
Dans l’Orient ancien, la vision de Saint Paul fait mention de pareils symboles, le voyage initiatique des sociétés secrètes chinoises se fait aussi par le passage des ponts. Il faut passer le pont, soit un pont d’or figuré par une bande d’étoffes blanches, soit un pont de fer et de cuivre, réminiscence alchimique, fer et cuivre correspondant au noir et au rouge, à l’eau et au feu, au Nord et au Sud, au Yin et au Yang.
D’autres traditions maintiennent un pont à sept arches correspondant aux sept devoirs :
“la foi, la pratique de la prière, celle de l’aumône, du jeûne, du pèlerinage à la Mekke, de la pureté rituelle et de la piété filiale. Celui qui a manqué à l’un d’eux est précipité en enfer.“
Dominique Sourdel.
Ces traditions confirment la symbolique du pont : lieu de passage mais aussi d’épreuve. Elles donnent au pont une dimension morale, rituelle et religieuse.
On connaît aussi de nombreuses légendes de Ponts du Diable. On peut imaginer dans cette dénomination une sorte d’aveu de la difficulté extrême de construire de telles œuvres d’art et d’admiration pour leur beauté et leur solidité. C’est comme si les architectes et les ingénieurs, incapables d’une telle réussite par eux-mêmes avaient dû recourir à l’habileté de Lucifer. De nombreuses superstitions et histoires accompagnent ces Ponts du Diable. Par exemple, l’âme du premier passant doit appartenir au diable, c’est sa rançon, autrement il aurait travaillé gratuitement pour les hommes. On dit aussi que la première personne à traverser le pont meurt dans l’année.
Les légendes nous indiquent que le passage sur ces lieux angoissants représente un danger à surmonter, une obligation de choisir pour l’homme entre ce danger et la nécessité de franchir.

2] Conclusion


De tous les types de ponts, une fonction reste commune à tous, ils offrent la possibilité de franchir. Ensuite, suivant son utilisation, il change de nom. Quand il permet la circulation de l’eau, on l’appelle aqueduc, lors de la circulation de trains ou de voitures, il devient pont de chemin de fer, pont autoroutier, enfin quand il permet aux badauds de se rendre facilement sur l’autre rive, il est alors une passerelle.
Le pont est plus qu'un ouvrage d'art, une prouesse technique ou un élément esthétique dans un paysage qu'il dessine ; c'est, comme le note justement Georg Simmel un médiateur : “il regroupe ce qui est séparé ; il relie ce qui s'oppose ; il crée la liaison entre deux rives, deux réalités, et ce faisant, il transforme et la distance et l'espace. C'est encore plus vrai en ville. C'est encore plus vrai lorsqu'il est habité, c'est-à-dire vivant de ces échanges qui donnent à une ville son épaisseur relationnelle, et par conséquent culturelle.“

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arthur gential diplome d'architetcure, un pont habité à new york